A lire les slogans publicitaires, l'aventure a le vent en poupe ces temps-ci. Voici comment j'aborde ce concept dans mon propre travail de Guide-Créateur de Treks et Voyages dits « d'Aventure » .
Aventure à toutes les sauces
Au risque de faire de la sociologie de comptoir, il semble que l'aventure monte en force dans nos sociétés de plus en plus aseptisées où l'environnement humain est de plus en plus aménagé.
L'histoire de la course à pied suit un peu le même cheminement. Avant l'ère de la très grande sédentarité qui est la nôtre à présent, rares étaient les personnes qui éprouvaient le besoin de courir. Selon les historiens du sport, l'engouement pour la course a pied serait concomitant de l'avènement de la voiture. En effet, qui aurait l'idée de courir alors qu'il doit déjà se déplacer en marchant la plupart du temps ? Plus récemment, les emplois statiques devant un écran d'ordinateur étant les plus répandus (dans nos pays occidentaux), le jogging, puis le footing puis le trail sont devenus des pratiques de masse.
L'aventure n'est pas juste "sortir de sa zone de confort".
Revenons-en à l'aventure... hormis des tensions psychologiques très fortes, les contraintes physiques imposées par la sédentarité du travail et des transports, notre vie nous offre rarement la possibilité de "sortir de notre zone de confort". Comme on dit de nos jours.
Je fais donc l'hypothèse que c'est ce mode de vie qui justifie le nouvel engouement pour l'aventure.
On la retrouve à toutes les sauces, y compris sous la forme de "micro-aventure". Concrètement un long week-end au cours duquel des personnes vont être confrontées à des éléments naturels, des modes de déplacement et d'hébergement qu'elles n'ont jamais rencontré auparavant. Il est plus simple de qualifier ces pratiques d'"initiation". Ce qui n'a rien d'infamant. Dans les milieux où nous séjournons longtemps, nous réalisons nous aussi une sorte d'initiation à la vie dans des milieux nouveaux.
Sur la glace du Lac Baïkal
Ce séjour de découverte à pied du Lac Baïkal au coeur de l’hiver sibérien est la garantie d’émotions uniques face à un phénomène naturel réellement hors normes et tout simplement éblouissant.
Avec notre fidèle partenaire russe, nous avons choisi les parages très peu fréquentés de l’île d’Olkhon qui compte parmi les endroits les plus calmes et les plus spectaculaires du lac pour jouir pleinement de la Perle de la Sibérie.
"Aventurier", un mot que je récuse pour moi-même
A celles et ceux qui me définissent comme un "aventurier", je prends la peine d'expliquer que je n'aime pas beaucoup ce concept. D'abord parce que les personnes qui me connaissent savent à quel point je suis prudent. Et que "aventurier" s'apparente parfois trop à "aventureux".
L'aventure commence quand tu comptes un peu trop sur la chance.
J'ai idée que "l'aventure" commence quand on délègue à la chance ses possibilités de survie. L'impréparation, la mauvaise analyse d'une situation... peuvent être compensées par la chance.
Il y a quelques années, la marque finlandaise SUUNTO qui produit des montres techniques avait un slogan qui ne m'avait pas laissé indifférent : "Suunto replaces luck.". En français, "Suunto remplace la chance". Un positionnement certes excessif qui délègue à la technique ses prises de décision (une autre erreur en fait). Mais l'idée force du slogan était que la montre donnait l'altitude, la direction avec une boussole, la durée... autant d'informations souvent plus indispensables pour prendre une décision que "le petit bonheur la chance".
Pas mal de personnalités très médiatisées du monde de l'aventure, sans nier leurs incroyables compétences ou leur courage, doivent très souvent leur survie à la chance. En fait, ce qui les a sauvé n'est absolument pas reproductible.
Cet hiver, nous avons appris le décès de plusieurs jeunes montagnards isérois lors d'une expédition au Népal. Les personnes qui les connaissaient leur voyaient un avenir très prometteur, tant ils excellaient dans leur domaine. Ils étaient peut-être les futurs Messner ou Mike Horn.
Ces deux personnages hors norme ont également bénéficié des effets de la chance pour réaliser la carrière aussi brillante et difficilement égalable qu'est la leur. Pas ces jeunes alpins.
Ne pas confondre "aventure" et "prise de risque"
Dans les activités intenses de pleine nature, il n'est pas possible tout maîtriser. Ce serait non seulement un pur fantasme d'y croire, mais également un vrai frein à l'action. La prise de risque est un trait de caractère à avoir dans ces domaines. Mais chacun pousse cette prise de risque jusqu'où il l'entend.
Désert de Gobi en Hiver
Un séjour de découverte en immersion dans la vie nomade dans le mythique désert de Gobi, en hiver. L’immensité des paysages est saisissante avec un air toujours aussi pur et des dunes de sable soulignées par la neige. Dans leur épais pelage, les chameaux vivent non loin des camps.
iZiTREK ne communique pas sur le concept d'aventure
Outre le slogan "Treks et Voyages d'Aventure" me rétorquerez-vous.
Certes, mais vous aurez du mal à trouver d'autres occurrences de ce mot dans notre communication. En effet, vous trouverez d'avantage mes concepts fétiches de "exploration", "engagement", "responsabilité" ou "émerveillement".
- Exploration : c'est partir un peu à l'aventure (mince ! j'avais dit pas le mot "aventure") ou plutôt dans l'improvisation. Laisser faire un peu le cours des choses.
- Quitter le camp à pied au Groenland pour franchir la moraine 4km derrière les tentes, découvrir une vallée immense où 2 Géants de Glace se marient. Faire ça sans l'avoir reconnu au préalable et le faire avec les clients. Ça c'est de l'exploration.
- Engagement : c'est affronter les éléments naturels avec les moyens dont on dispose, ne pas avoir peur de l'effort, se rappeler qu'il est la condition pour accéder à l'exceptionnel.
- Responsabilité : c'est décider de partir avec les autres et surtout d'arriver avec eux, de ne pas jouer sur le fait que les secours ne sont pas loin, s'impliquer pour de vrai dans l'activité.
- Emerveillement : c'est la valeur ultime de ce que je cherche lors de mes explorations solitaires, c'est ce que désire plus que tout partager avec les personnes qui me font confiance en trek.
Spitzberg : trek en milieu polaire
A seulement 1300Km du Pôle Nord, nous sommes dans le Royaume de l'Ours Polaire. Notre trek se déroule sur 3 camps à partir desquels nous approchons les Géants de Glace. Mais aussi une faune polaire peu farouche et une étonnante flore.
Où sont les aventuriers ?
Ma passion pour les espaces XXL non-aménagés m'a conduit à fréquenter des territoires aussi variés que
- la steppe de Mongolie,
- les fjords du Groenland
- le désert de Mauritanie
- etc
Des lieux qui sont habités ou l'ont été par le passé
Lorsque nous sommes dans ces lieux, la présence des populations autochtones se fait sentir. C'est d'ailleurs pour cela que nous y allons. Ne comptez pas sur iZiTREK pour vous accompagner sur un sommet himalayen ou sur la banquise polaire. Les humains n'y ont fait que des brefs passages tant ils n'ont pas grand chose à y faire.
Ma passion est de rentrer en contact avec les humains qui vivent sur ces territoires que nous trouvons si difficiles, sur lesquels ils se sont adaptés. Là où ne faisons que passer.
Il arrive aussi de trouver les restes d'un habitat aujourd'hui abandonné, de penser que, par le passé, il a été occupé par des humains, souvent des enfants, des vieillards qui ont trouvé chèrement leur place. Arriver après 3 jours de marche sur un camp anciennement occupé par un groupe d'inuits, imaginer le mode de vie d'humains sur ces lieux est vraiment émouvant. Cela nous rappelle notre place dans le Monde.
Des exemples remarquables d'adaptation
On peut également saluer les grands noms de l'ethnologie française : Théodore Monod dans le désert de Mauritanie, Paul Emile Victor et Jean Malaurie chacun sur une côte maritime du Groenland. A la simple imagination de la vie ordinaire de ces lieux au cours de la première moitié du XX° siècle, on ne peut qu'être admiratif de leur démarche marquée davantage par l'envie de découvrir l'autre que de réaliser des exploits comme les alpinistes ou les découvreurs des mêmes époques.
Relativisons un peu nos "exploits" !
Il est bon de se rappeler qu'au XXI° siècle, une personne qui part en trek peut perdre la vie à cause d'un aléa climatique ou d'un problème de santé. Mais, de grâce, n'oublions pas les moyens dont nous disposons : une assurance capable de dépêcher des secours par bateau ou hélicoptère, des équipements techniques vraiment efficaces (vêtements, chaussures, tentes, cordes...), des moyens de repérage et de communication performants (GPS avec cartographie, téléphone satellite, balise de détresse... Non, de grâce, n'oublions pas que nous ne sommes pas les découvreurs des espaces que nous visitons. Rappelons-nous que notre séjour a certes un prix, mais un début et surtout une fin. Que lorsque nous prenons le bateau dans le froid sur le fjord du Groenland, les Inuits, eux, vont y rester en pleine nuit polaire, sans ravitaillement avant mai-juin.
Respect pour les humains qui vivent là où nous voyageons
Le plus grand respect pour ces humains dont le quotidien nous semble si rude. Ce sont elles et eux les véritables aventuriers de la vie.
Je pense aux familles et surtout aux enfants dont je filme le quotidien :
- Narha, dans la steppe de Mongolie
- Egor et Vania dans l'Arctique Russe
- Sami dans la zone désertique du Maroc
- Les deux frères inuits au Groenland
- Mado, sur les rives du fleuve Casamance, au Sénégal.